Fabrice Greffet a plusieurs casquettes, directeur des relations publiques pour le groupe La Varappe, il est également élu à la CCI, à l’UPE sur notre territoire et Président PACA & CORSE de Prism’Emploi. Il nous parle de La Varappe, de son entreprise rebelle qui bouscule les codes et évoque dans nos colonnes une sortie de crise qu’il espère plus inclusive et humaine. Entretien.
Quel est votre parcours ?
À l’origine, mon ADN est celui du travail temporaire dans le sens large du terme. Pour moi, le travail temporaire a toujours été une super machine à intégrer. Malheureusement il a toujours été perçu comme de la précarité, alors que c’est un outil qui lutte contre la précarité. En trente ans c’est toujours 3%, ce qui explose se sont les contrats courts, les travailleurs détachés. La seule chose que l’on recherche c’est trouver la qualification et la volonté de la personne à vouloir réaliser le travail. Il lutte finalement contre toutes les formes de discriminations, le plus important c’est d’être bon dans son business. Je suis issu du travail temporaire que je défends.
Est-ce que vous trouvez que la perception du travail temporaire a évolué ? Les jeunes préfèrent aujourd’hui les missions et être freelance.
Moi j’ai découvert que le travail temporaire est un parfait outil d’intégration et en plus aujourd’hui il est devenu divers et varié. Il y a du travail temporaire classique, ou d’insertion, ou d’ETTI, ou des EATT, ou encore des CDI intérimaires, ces gens nous disent eux -mêmes qu’ils souhaitent quitter le CDI classique pour être libre. Aujourd’hui les gens ont soif de liberté dans leur vie professionnelle. C’est la flexisécurité. Les jeunes recherchent la liberté, l’argent ne fait pas tout. Le CDI c’est important mais c’est pas forcément ce qu’ils réclament.
Les entreprises parlent de leur impact dans l’environnement et la société positive. Le travail temporaire a su s’adapter. Le secteur intérimaire s’est retrouvé comme tout le monde, impacté par cette crise. Par nature, le travail temporaire s’adapte aux soubresauts de l’économie ; c’est pour ça qu’au premier confinement au mois de mars nous avons perdu en 48h près de 75% des effectifs. Après, l’activité a repris, et en 2020 la baisse a été de 20% ce qui correspond quand même à quelque chose.
La Varappe : L’histoire d’un succès entrepreneurial tourné vers le social
Vous êtes une entreprise de l’ESS. Est-ce que le secteur va bénéficier du plan de relance ?
Je pense que c’est la crise qui va bénéficier du monde pluriel de l’ESS. Dès le début de la crise, l’économie a été impactée. Dans le secteur du travail temporaire, l’ESS a suivi la même logique mais a permis de ne pas être dans le besoin, c’est cette dimension supplémentaire qui la rend différente.
L’ESS a, par définition, une vocation sociale et sociétale et, en temps de crise, on a besoin de ça. Une crise c’est révélateur, elle permet de se révéler, pas de se transformer. Donc si les entreprises de l’ESS ont bénéficié de la crise ? Je dirais que c’est plutôt l’inverse : que la crise a bénéficié de l’ESS car celle-ci, à mon sens, a été une alternative puissante. À condition que l’État continue à soutenir l’ensemble de ces structures.
Alors la transformation, c’est pour quand ? Va t-on finalement continuer ou participer à une transformation de notre système ? La crise est-elle charnière ?
Avant la crise, il y a avait des entreprises en difficulté, la crise n’a fait que les accélérer compensées pour l’instant par l’État qui a soutenu. Mais à la fin, on retourne dans un monde. Il faudrait juste que chacun prenne ses responsabilités.
Le fait que l’État propose plus de fonds au travers d’un plan de relance c’est une bonne chose, à condition que cette manne étatique permette aux entreprises d’évoluer et d’être plus inclusives en permettant aux plus fragiles de ne pas rester au bord du chemin. On ne peut pas continuer comme ça.
Vous pensez que le plan de relance peut réconcilier les inégalités sociales ?
On n’a pas le choix, sinon on va fabriquer à nouveau des gens mécontents, et ils ne seront plus jaunes ! Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Une crise peut être une super opportunité pour remettre les choses à plat et repartir sur de nouvelles bases. Je l’espère, car ça permet, non pas de transformer tout de suite mais de révéler dans un premier temps.
Il faut se mobiliser, avoir un dialogue social efficace, être efficace, et être pragmatique, venir au secours des plus fragiles, et assurer la reprise d’activité dans des conditions sanitaires et se doter d’outils pour accompagner cette mutation observée dans les différents bassins d’emploi. La crise, elle a des impacts différents en fonction des secteurs et des régions. Il faut donc se mettre autour de la table et permette à chacun de voir ce que l’on peut faire, faire de la GPEC pragmatique et non politique.
Vous considérez-vous entendu ?
Oui, tous les entrepreneurs sont persuadés de ça. Bien sûr que tout le monde n’est pas vertueux, mais je pense sincèrement qu’il y a une prise de conscience qui est faite au niveau de l’État. On n’a jamais mis autant d’argent autour de la table, on ne peut pas dire le contraire. Je suis au contact de beaucoup de PME, parce que notre région c’est 90% de TPE/PME. Nous on veut faire des choses. Les entreprises du travail temporaire l’ont très bien compris, elles ont lancé une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, avec les entreprises des territoires, et puis il y a pleins d’entreprises qui ne trouvent pas de personnes pour aller travailler, c’est qu’il y a un problème. Je pense qu’il faut agir au quotidien, avec les pouvoirs publics et rester en prise directe avec les clients .Le travail temporaire est une force motrice pour la relance, comme l’est l’ESS, mais l’ESS rajoute une dimension humaine importante et surtout dans ces moments de crise, où forcément c’est anxiogène.
Le groupe Varappe est une entreprise de l’ESS qui a plusieurs pôles. Un pôle RH, une marque Eureka, une EATT une expérimentation d’Etat pour les personnes en situation de handicap, une branche intérimaire santé qui est du travail temporaire médical. Une branche LVD environnement qui s’occupe de la gestion des eaux et des déchets pour les collectivités. Un chantier d’insertion, une ressourcerie et enfin, Homeblock : de la réhabilitation de conteneurs maritimes derniers voyages pour l’habitation d’urgence et l’habitat. On est sur tout le territoire, et même en outre-mer. Le groupe La Varappe, c’est 50 millions d’euros de CA, 300 permanents et 7 000 personnes que l’on remet à l’emploi chaque année.
En 2020 Homeblock a accompagné 46 salariés en insertion. Je porte auprès des politiques publiques l’ambition avec le Département et la Région où on a déployé des Homeblock pour les femmes battues. Aujourd’hui il faut donner un travail et du sens. L’inclusion, pour moi, a toujours eu une résonance. J’ai beaucoup d’engagements, mais le coeur central a toujours été l’emploi et l’inclusion.
Il faut passer du monde de l’incantation au monde de l’action.
Où en est-on du village olympique de Marseille ?
Ça ne dépend pas de nous ! Nous avons de sérieux arguments.
Vous êtes basés à Aubagne. Vous envisagez d’autres implantations ?
Notre développement doit se faire au plus près des territoires, nous allons donc continuer à mailler celui-ci. On est fermé à rien.
Vous allez recruter ?
En permanence, nous recrutons.
Si un porteur de projet veut vous contacter, comment doit-il s’y prendre ?
S’ils ont un projet, et si ça rentre dans nos champs de compétences, les entreprises, collectivités peuvent nous contacter. Par exemple, on a fait une joint venture avec Vinci. La Fondation d’entreprise s’engage dans une dimension encore plus vertueuse. Ils se sont demandés comment ils pourraient faire. Ils sont venus nous voir car nous avons plus de 30 ans d’existence dans l’ESS. La société s’appelle ÏNVA, elle a un an. En fait elle s’occupe de gérer les espaces sur les autoroutes. Et on fait du nettoyage de toutes ces airs d’autoroute et aux alentours. On a recruté des gens que l’on a formé et à qui on a confié des véhicules. Dans l’insertion, on leur permet de garder la voiture, voire même si on peut, leur donner.
Vous travaillez avec d’autres acteurs comme Pôle Emploi ?
Oui on a formé des personnes avec Simplon. Le projet Premium a formé au métier de codeur plusieurs personnes, des migrants, des personnes qui avaient des problèmes pour trouver un emploi, puis la crise est arrivée… La Varappe c’est une entreprise rebelle qui souhaite renverser les cerveaux et permettre aux gens de grandir. Il faut faire travailler les gens ensemble, c’est d’ailleurs le problème de la France. Il n’y a pas de mutualisation, comme pour les transports dans la région. J’espère que cette crise va servir d’électrochoc.
Nos lecteurs sont des entrepreneurs, quels conseils leur donneriez vous ?
Qu’ils n’hésitent pas à nous contacter et à nous rencontrer. Nous construirons ensemble des projets s’ils ont du sens. De plus en plus on développe les soft skills, ce ne sont pas diplômes les plus importants c’est la motivation. Il faut donner leur chance aux gens et qu’ils la saisissent. On essaye de lutter contre l’immobilisme et l’obscurantisme, mais il faut ouvrir son cœur. On oublie que l’humain est au centre de tout. C’est facile d’aimer celui qui te ressemble, beaucoup plus dur d’aller vers l’autre qui ne te ressemble pas !