Jean-Pierre Serrus, maire de La Roque d’Anthéron occupe une place centrale dans la politique des mobilités sur notre territoire. Nouveau vice-président de la Région en charge des transports, il avait occupé précédemment ce poste à la Métropole, où il siège encore aujourd’hui comme conseiller métropolitain. Mais avant tout, il se considère comme un entrepreneur. Rencontre.
Bonjour, Jean-Pierre Serrus. Pouvons-nous revenir sur votre parcours ?
J’ai été entrepreneur depuis 2003, avant d’être élu, d’Action &CO2, une entreprise qui intervient dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour l’accessibilité et la performance énergétique des bâtiments. Je suis ingénieur, j’ai fait ma carrière dans les grands groupes et j’ai été DG produits pour JC Decaux. Aujourd’hui, je suis toujours au comité stratégique, mais j’ai coupé les liens opérationnels.
Je suis finalement rentré en politique assez tard. J’ai d’abord été dans l’opposition à La Roque d’Anthéron, la liste avait perdu de 15 voies, c’était une liste sans étiquette. Nous avons été élus en 2014 sur une ligne divers et je suis rentré aux LR, le jour de la création du mouvement Les Républicains pour préparer les primaires de Bruno Lemaire. En 2017, l’entre deux tours des élections présidentielles nous a conduit à nous rapprocher d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, je suis référent dans les Bouches-du-Rhône de La République Ensemble, le mouvement des élus qui soutient le Président.
A la Région, vous avez en charge les transports, un sujet majeur sur notre territoire. Le 29 octobre prochain, la gestion de la ligne ferroviaire Marseille-Nice en faveur de Transdev sera soumise au vote. Quels ont été les critères déterminants dans l’appel d’offres ?
Depuis 2017, le Président Renaud Muselier a eu le courage d’anticiper l’ouverture à la concurrence à partir de 2023 des services de transports ferrés régionaux. Dès 2017, il a souhaité que nous soyons pionniers, et nous avons commencé par un Appel à Manifestations d’Intérêt où plus de 10 entreprises françaises et européennes ont montré leur intérêt. Ce n’est pas nouveau, c’est une vision de la part du Président, de l’exécutif et de la majorité, car c’est le sens des décisions européennes et de leurs répercussions. Il en va de l’application par pays. En 2020, très logiquement, au vu de cet AMI et des opérateurs intéressés, la Région a organisé une mise en concurrence sur la base d’un cahier des charges avec un assistant à maîtrise d’ouvrage qui définit les prestations dans le but d’améliorer le service.
Notre volonté, c’est que la concurrence serve à la fois la qualité du service, la fréquence des trains et l’innovation.
D’autres ouvertures à la concurrence sont-elles envisageables dans le futur ?
J’insiste sur la prudence et la qualité de la démarche. Cela a porté sur 1/3 de l’offre régionale et sur 2 lots. Un premier lot qui est la ligne Marseille-Toulon-Nice qui représente à peu près 10 % de l’offre régionale. Et un deuxième lot, sur les liaisons régionales autour de Nice : Les Arcs-Vintimille, Cannes-Grasse,…
Dans tous les cas, avec le niveau de qualité requis dans le cahier des charges et notre volonté d’améliorer le service dans un contexte de transition écologique, on observe qu’à coûts constants, on aura un doublement des services proposés aux usagers sur nos réseaux. On passera de 7 allers-retours à 14 sur la fameuse ligne Marseille-Toulon-Nice, et d’un peu moins de 70 allers-retours à 120 allers-retours sur l’autre lot. Je suis fier pour la Provence et la Région de cette avancée. Renaud Muselier a souhaité que nous soyons les pionniers plutôt que les suiveurs.
« La Métropole souffre aujourd’hui d’un déficit d’engagement métropolitain, de projets collectifs, parce que trop de maires ont eu une position de freins »
Lors de sa venue à Marseille début septembre, Emmanuel Macron a demandé à ce que les acteurs politiques du territoire travaillent ensemble, en insistant sur la nécessité de réformer la Métropole, notamment sur la question des transports…
Dans l’allocution du Président, il y a le volet du financement des transports, la gouvernance et la répartition des compétences entre la Métropole et les communes. Je suis favorable en la Métropole, en tant que maire. C’était inscrit dans ma profession de foi en 2020. La Métropole souffre aujourd’hui d’un déficit d’engagement métropolitain, de projets collectifs, parce que trop de maires ont eu une position de freins. En 2016, lors de sa mise en place, l’objectif était de réparer les déficits. Et aujourd’hui, il faut encore rappeler et relancer cette volonté initiale. Lorsque l’on est conseiller métropolitain, on est là pour trouver des solutions de transports. Aujourd’hui, on ne peut plus opposer les communes à la Métropole, il faut que cela devienne les communes avec la Métropole pour savoir comment on utilise les ressources du territoire pour avancer sur la mobilité.
Le Président de la République a ouvert trois champs qui peuvent tout résoudre. Il a entendu les communes qui souhaitent plus de compétences. La loi Nôtre ne le permettait pas, il est prêt à faire bouger les lignes. La gouvernance ne marche pas, c’est vrai, il y a trop d’étages. Il faut donc faire des propositions !
La part de Marseille est-elle trop importante par rapport au reste des communes ?
Non, plus maintenant. Personnellement, je n’ai pas besoin de la Métropole pour s’occuper des bornes incendies ni du conseil de territoire pour s’occuper de l’eau et de l’assainissement. Si demain je récupère ces compétences que j’ai été obligé de transférer, et que l’on m’assure que je garde la voirie, je n’ai pas besoin d’un étage pour s’occuper de tout ça.
La Métropole est pour les citoyens, elle doit devenir une Métropole des communes pour les citoyens plutôt qu’une Métropole des territoires pour les communes ! Si l’on veut échapper au millefeuille, il faut rapprocher le citoyen et redonner aux maires les compétences de décider des grandes politiques.
Le dernier point est le chantier des finances. Là aussi, le Président est d’accord pour accélérer le développement des transports, de la mobilité et des politiques métropolitaines, mais nous devons mieux flécher nos ressources vers ces politiques intercommunales. A la Métropole, lorsque l’on vote un budget, nous pouvons l’orienter : c’est nous qui décidons et qui gérons notre intercommunalité et où l’on met l’argent. Depuis 2016, on n’a pas fléché sur les transports. Nous avons pris l’engagement à travers l’agenda de la mobilité d’investir 4 milliards entre 2017 et 2027. On constate aujourd’hui que l’on ne dépense pas plus qu’il y a 5 ans. Le constat au-delà de la lourdeur de la gouvernance, est que rien n’a changé.
L’État est prêt à nous aider, mais nous devons aussi avancer de manière équilibrée sur tous les champs. On ne reverra pas les compétences sans revoir la gouvernance, il faut donc que ce soit un accord, une négociation et une solution concertée.
« Si l’on ne trouve pas un accord autour de cette décennie, nous serons responsables collectivement de ne pas avoir transformé notre territoire dans le sens attendu par les citoyens, qui sont eux les principaux acteurs »
La fusion Département-Métropole souvent envisagée, et même promise par certains, est-elle toujours d’actualité ?
Elle n’est pas à l’ordre du jour. Nous sommes un territoire métropolitain. Nous ne pouvons pas avoir une organisation de Département et de Métropole qui rentrent en concurrence. Le fait que Martine Vassal préside les deux, c’est une bonne chose. Elle est donc en capacité de faciliter cette réflexion et de dépasser les conflits. Mais quand on est dans des départements plus ruraux, où le fait métropolitain n’existe pas, l’organisation départementale est parfaite. Lorsque l’on est dans des territoires qui font Métropole, il faut une organisation « métropole ». La seule question est de savoir si l’on est dans un territoire métropolitain. La réponse est oui. On a besoin d’être connectés les uns avec les autres. Aix-en-Provence ne réussira pas dans la durée si Marseille ne réussit pas. La Roque d’Anthéron est liée à la réussite des 91 autres communes. Ces éléments passent après les guerres de tranchées.
Si l’on ne trouve pas un accord autour de cette décennie, nous serons responsables collectivement de ne pas avoir transformé notre territoire dans le sens attendu par les citoyens, qui sont eux les principaux acteurs. Le vrai sujet, c’est la triple opportunité sur les compétences, la gouvernance et le financement. Il ne faut pas rater ce rendez-vous.
Vous êtes aussi à la tête de la commune de La Roque d’Anthéron, qui accueille chaque année le célèbre Festival International de Piano. Qu’est ce que cela représente en terme de retombées économiques ?
Je suis maire de la Roque d’Anthéron d’abord ! Mon action s’inscrit dans cette responsabilité. Le Festival en est à sa 41ème édition, il est organisé par une association. On a l’immense chance d’avoir ce festival qui a fait de la Roque une marque internationale avec une notoriété importante. Ce festival porte beaucoup l’attractivité de notre commune, à laquelle il faut aussi associer l’Abbaye de Silvacane avec un festival de quatuor à cordes. Nous avons deux étoiles au guide Michelin. Cette attractivité sert le tourisme, la culture et l’économie en général. Cette attractivité globale sert l’implantation de commerces et d’entreprises dans les zones d’activités ainsi qu’à la cohésion sociale dans le village. La culture, ce n’est pas que l’attractivité, c’est aussi la cohésion sociale.
Aujourd’hui, on parle de plus en plus de marketing territorial. Dans les villes, mais aussi dans les villages…
Tous les évènements culturels sont connectés avec la population. Il faut mettre les gens en relation. Le bon marketing territorial doit être en résonance avec la vie du territoire. Les communes du Pays d’Aix travaillent de concert sur ces questions. Les touristes ne vont pas dans une ville précise, ils viennent sur notre territoire commun, et chacun apporte sa pièce. Chaque commune adapte ensuite son offre. Aix et son office du tourisme fonctionnent comme une locomotive. C’est d’ailleurs l’une des réussites de l’intercommunalité, car notre destin est commun.
Un dernier mot pour nos lecteurs, qui sont avant tout des entrepreneurs et des investisseurs ?
Nous avons besoin aujourd’hui de partage. Je crois en la Métropole, car je crois qu’elle peut rassembler des élus, de la société civile et des acteurs économiques. La Métropole, n’est pas une affaire entre les maires. Sur le développement de notre territoire et la réussite de notre Métropole, beaucoup d’acteurs économiques l’attendent et y sont favorables. Ils ont aussi la responsabilité de se mobiliser. Le pouvoir des élus est important, mais il n’a pas de sens s’il n’est pas en accord avec les autres acteurs.
Les acteurs de l’économie sont responsables de cette mobilisation. Je crois que notre territoire regorge d’atouts extraordinaires. Durant cette décennie, nous pouvons devenir l’une des locomotives de la France et de l’Europe. Et c’est à la fois une conscience collective de nos atouts et une volonté collective d’y arriver. Je pense que le monde économique et la société civile doivent monter au créneau et partager leur volonté. Je suis très ouvert pour participer à tout ce qui peut être utilise pour que cette mobilisation aille au-delà des incantations. Pourquoi ne pas réactiver la Métropole des citoyens, pour qu’elle rassemble tout le monde au-delà des politiques ? L’État en a besoin et nous aussi. Il faut quelque chose de plus léger. Les acteurs de l’économie et de la société civile doivent profiter des opportunités ouvertes par le Président de la République : il y a une vraie volonté de changement.
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