Stéphane Salvetat est directeur général de LAM France et Président du syndicat des transitaires de Marseille. Il évoque avec nous ses projets, ses ambitions et ses réflexions sur les changements structurels du secteur du transport. Entretien.
Provence Business : Bonjour pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?
Stéphane Salvetat : Je suis un Marseillais et un Cassidain. L’histoire familiale m’a donné le goût de l’aventure, du travail, de l’ouverture et du voyage. J’ai choisi des études de commerce international à Aix-en-Provence et à Rotterdam. Après mon service militaire à Berlin, je suis parti travailler en Turquie. Ces 3 séjours consécutifs à l’étranger m’ont changé. Je suis revenu dans ma ville en 2000 et j’ai construit ma vie familiale et professionnelle en Provence.
J’ai travaillé à Marseille chez Daher, Bolloré, Dimotrans et DB Schenker avant de décider de créer mon propre projet avec des actionnaires étrangers, des amis (Didier Peyre, Juliana Cardier). La famille Makzume a une connaissance fine de la France et de l’Est Méditerranée depuis plus de 200 ans, une expérience internationale unique dans notre secteur, et une qualité humaine importante pour moi.
Parlez-nous du Syndicat des Transitaires de Marseille-Fos. Quelle est votre action et quelles sont vos ambitions depuis que vous en êtes le Président ?
Lorsque je suis devenu président du Syndicat des Transitaires de Marseille et de sa région – Le STM va de Marseille à Nice – nos premières actions ont été de préparer l’avenir de MGI avec la création de notre nouveau CCS « Ci5 ». Nous avons ouvert le syndicat à l’ensemble des utilisateurs du port de Marseille – Fos, des aéroports de Nice et Marignane. Nous pensons aussi que l’avenir passe par une meilleure compréhension de notre industrie à Paris et Bruxelles. Nous souhaitions que nos gouvernants regardent enfin le transport comme une industrie.
Depuis des décennies, l’industrie française paie le manque de vision logistique de la France. Nous travaillons aussi pour agrandir l’hinterland de notre port avec une vision globale et européenne. Depuis plus de 20 ans, notre microcosme logistique est communautaire. Le monde de demain nous ira bien.
Nous travaillons aussi sur la formation avec différentes formations dont la faculté ALLSH dont je suis élu. Il faut que notre industrie attire les meilleurs profils pour continuer à ce que le port et les aéroports continuent d’être présents dans le monde demain, mais surtout parce que nous sommes l’un des acteurs incontournables de la transition écologique.
En quelques chiffres, comment la COVID a-t-elle impacté la profession ?
Le Covid nous a impacté très fortement en 2020. En mars, nous étions à -60% d’activité. Nous ne savions pas ou nous allions. Mais la situation actuelle n’est pas stable et ces effets continueront à nous impacter dans les années à venir. L’impact est différent suivant les entreprises et les secteurs.
Marseille a moins souffert que le Havre par exemple. Les ports d’Anvers et Rotterdam ont communiqué sur des chiffres stables ou en légère baisse. Nous sommes comme la société française mais nous pouvons aussi en sortir grandis.
Parlez-nous de LAM France, PME spécialiste du transit vers le Caucase et la Turquie.
Nous avons crée LAM France le 12 mars 2012 avec un actionnaire extraordinaire, le groupe Lyonel A. Makzume. Nous sommes partis de zéro. Avec notre actionnaire, nos équipes et nos partenaires, nous atteindrons en 2020 plus de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes. Nous devrions atteindre plus de 10 millions l’année prochaine. Notre avons investi dans la logistique d’entrepôt à Fos, transport routier, mais également dans des équipes pour pouvoir nous développer internationalement.
Nous sommes reconnus pour le Trade Turquie mais nous nous développons sur l’Est Méditerranée. Notre groupe à plus de 60 personnes en Egypte avec un Français à sa tête. Il a vécu plus de 20 ans à Marseille. Nous avons aussi 2 agences aux USA avec à sa tête un DG qui a fait ces études à Kedge Marseille. Nous avons des entrepôts et des moyens propres en transport. Nous sommes présents dans 13 pays au service de nos clients.
Quels sont les projets et ambitions de LAM pour les deux prochaines années ?
Nous réfléchissons beaucoup aux changements structurels de notre secteur. Pour le moment, la digitalisation apporte un plus sur le tracking, le tracing et la relation client. La douane, la diversité du monde logistique, le nombre de métiers différents, les besoins divers des clients, l’esprit qualitatif des clients expriment l’importance de l’humain et du local.
La partie capitalistique de la logistique (compagnie aérienne, maritimes ou entreposeurs) poussent à la globalisation. Il faut que LAM France et LAM World, et plus généralement notre monde des commissionnaires de transports et douanes, concilient ces deux mondes (local et global). Nous allons donc continuer à investir dans l’humain en France et à l’international.
En matière d’innovation dans le secteur du transport, que pensez-vous des jeunes pousses marseillaises comme Transpare, Traxens, Okargo ?
Nous travaillons régulièrement avec Transpare. LAM, le STM et bon nombre de transitaires marseillais soutiennent Transpare. Concernant Traxens, nous devions équiper nos 15 containers 45 de Lam World de boîtier Traxens. Le changement d’équipe et d’objectifs chez Traxens n’ont pas permis d’aller au bout. Dommage… Pour Okargo, nous les connaissons depuis le début. C’est un beau projet qui se développe.
Lorsque vous avez repris la Chambre de Commerce Franco Turque, vos projets étaient ambitieux. Quels sont-ils pour les années à venir ?
Vous avez raison…le projet était ambitieux mais nous avons réussi. Regardez l’impact des liaisons de Pegasus, Turkish Airlines et DFDS sur nos flux de passager et marchandise. Tout a changé. Arkas est arrivé également. Essayer d’aller à New Delhi, vous économiser au moins 5 à 7h par rapport au vol via Paris ou Francfort.
Pour l’avenir, nous cherchons des projets et des personnes prêtes à s’investir sur ce rêve. Marseille est la porte du Sud mais il ne faut pas oublier nos origines, notre histoire et nos intérêts. L’Est de la Méditerranée devrait être prioritaire à Marseille dont la Turquie.
Nos lecteurs sont des entrepreneurs et investisseurs, quels conseils leur donneriez-vous ?
Bougez… et ouvrez-vous sur le monde. Marseille n’est pas qu’une ville clientéliste. Le monde portuaire et aéroportuaire, le monde de la recherche et nos artistes prouvent l’inverse. Il faudra malgré tout attendre quelques mois encore…